d’une nature telle que sa mémoire n’en sera jamais complètement exonérée. La présidence de M. Grévy n’en a pas moins rendu à la République des services considérables, tant par sa durée que par son caractère pacifique. On a su depuis, en combien de circonstances, l’influence modératrice du chef de l’État s’était exercée sur les hommes qui l’entouraient. M. Grévy possédait une intelligence très pénétrante, du tact et cette placidité que donne une conception un peu sceptique du monde. Les traditions qu’il avait su établir autour de sa haute fonction, il était aisé de les modifier dans un sens plus souple, plus séduisant, plus généreux. La présidence, du moins, dominait maintenant les fluctuations des partis, qui s’étaient habitués à ne plus guère la mêler à leurs querelles ; cet avantage était immense. M. Thiers avait exercé un pouvoir trop personnel ; le maréchal, quoique plus constitutionnel, avait, surtout après le 16 mai, semé des défiances autour de l’Élysée. M. Grévy n’usa même pas de toutes les prérogatives politiques que lui accordait la constitution : il parut vouloir se renfermer dans un rôle de « premier magistrat » plutôt que de chef d’État. Ce fut cette attitude qui, en enlevant aux ennemis de la présidence leurs griefs contre l’institution, permit à M. Carnot, sans sortir de la légalité, de jouer, pour le plus grand bien de la République, un rôle plus actif et plus brillant.