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la crise (1885-1889).

Le 5 mai, le Président de la République se transporta au palais de Versailles, avec les ministres et les grands corps de l’État. Une cérémonie, empreinte d’une dignité simple, qui produisit partout la meilleure impression, eut lieu dans la Galerie des Glaces. On y célébra, en termes modérés, les grands souvenirs qu’évoquait le centenaire. Le lendemain, les splendeurs enfermées dans le Champ de Mars furent livrées à la foule. Ceux qui de loin ou de près participaient à la grande œuvre avaient bien donné à entendre que les palais de l’Exposition exerceraient sur l’imagination populaire une attraction irrésistible. Mais ils le disaient tout bas, avec un reste d’incertitude et une sorte d’hésitation inquiète. Quand le drapeau flotta sur la tour Eiffel, que les échafaudages eurent disparu et que, dans les jardins resplendissants, l’eau des fontaines commença de couler, tout le monde sut dans Paris que la réalité dépassait le rêve.

Tout avait paru conspirer contre l’Exposition, tout semblait maintenant concourir à son succès. Les fêtes se succédèrent sans que le moindre incident vint les troubler. Une série de congrès scientifiques, artistiques, littéraires, attiraient à Paris l’élite intellectuelle de l’univers. Le chef de l’État et ses ministres, ainsi que le Dr Chautemps, pré-

    organiser une « agitation » contre le centenaire. Après quelques débats autour d’un tapis vert, les hommes qui le composaient, ne trouvant aucun écho dans le pays et forcés de constater leur impuissance, se séparèrent. Quelques dévots qui frémissaient d’angoisse devant la « moderne Tour de Babel », et quelques artistes à l’esprit étroit qui reprochaient à M. Eiffel de « déshonorer Paris », présentèrent d’honnêtes pétitions qui furent civilement ensevelies dans les cartons administratifs. Quant aux dilettanti de l’opinion, ils étaient tout aux faits et gestes du général Boulanger, et l’Exposition ne prit d’importance à leurs yeux que lorsqu’ils surent que M. Carnot se rendrait à l’inauguration dans une voiture à la Daumont.