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le triomphe de la république.

décourager l’effort sincère, à semer la défiance, à susciter des obstacles, à lever des haines, à utiliser des rancunes ; les qualités de son esprit rendaient son action redoutable, car la logique pure semblait diriger sa pensée, et la précision de son langage en doublait la force ; il arrivait par là à imposer son commandement à des troupes de hasard qui se débandaient ensuite, un peu confuses d’avoir participé à l’œuvre néfaste.

En peu de temps une grande partie du personnel gouvernemental se trouva renouvelé ; les hommes étaient disqualifiés les uns après les autres, tantôt pour des fautes plus ou moins graves, mais caractérisées, tantôt pour des peccadilles sans importance ; la folie des dénonciations avait à ce point troublé les esprits qu’on ne savait plus distinguer le vrai du faux, ni les actes repréhensibles d’avec ceux qui avaient été simplement inopportuns ou maladroits. Le ministère subit une transformation : le président du conseil prit le portefeuille de l’intérieur ; MM. de Freycinet, Loubet et Burdeau se retirèrent[1] ; on ne manqua pas de dire qu’ils s’étaient sentis « compromis ». Ces « débarquements » successifs divertissaient et intriguaient en même temps la galerie ; sans tenir compte à M. Ribot de la crânerie avec laquelle il résistait à l’orage, on lui reprochait avec acrimonie le moindre mouvement d’humeur, la moindre nervosité ; il ne se lassait pas pour cela de démasquer l’odieux calcul de ceux qui avaient provoqué cette douloureuse crise, ni d’inviter au calme et au sang-froid la majorité républicaine.

  1. M. Develle passa aux affaires étrangères ; le général Loizillon et l’amiral Rieunier remplaçèrent MM. de Freycinet et Burdeau.