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Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/29

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les premières années

nécessaire à la réalisation de ses desseins, le prince de Bismarck n’avait pas reculé devant la falsification d’un télégramme[1].

Aveuglé par le sentiment de son propre mérite, le chancelier ne sut pas, en cette circonstance, s’élever au-dessus de ses passions. Il n’était pas impossible, cependant, d’entrevoir l’instabilité de la situation qui allait résulter d’une guerre imprudemment prolongée. « La guerre matérielle aura cessé, écrivait M. de Mazade[2], appréciant l’avenir, la guerre morale recommencera pour ne plus finir. Entre la France et l’Allemague, ce ne sera point la paix ; ce sera tout au plus une trêve agitée, pleine d’inimitiés et de ressentiments, au sein de laquelle les intérêts, les relations des deux pays seront perpétuellement en péril… on aura élevé une barrière : le commerce, l’industrie, les communications intellectuelles en souffriront ; l’Europe tout entière se ressentira elle-même de ce grand trouble jeté au centre du continent… même après les démembrements dont on nous menace, la France ne sera jamais assez mutilée pour ne pas rester encore une grande nation : elle se recueillera, elle s’éclairera par ses malheurs, elle retrouvera ses forces et son génie… Qui pourrait dire que l’Allemagne n’aura pas un jour ou l’autre à rendre compte d’un abus de la victoire dont elle ressentira les suites fatales dans les crises de l’avenir, qui, dans tous les cas, peut entraîner sa politique dans toutes les affaires du monde ? » Voilà ce

  1. Cette révélation tardive, presque posthume, a causé moins d’émotion en France que dans les autres pays ; la presse anglaise notamment s’est montrée très sévère dans l’appréciation d’un acte que rien d’ailleurs ne saurait légitimer.
  2. Revue des Deux Mondes, Chronique, février 1871.