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le triomphe de la république.

fléchies, sa mobilité, et ne pouvaient prévoir la persévérance rigide de ses indications[1]. « Les individus isolés qui prennent part à une élection, a dit Aristote, jugeront moins bien que les savants ; mais, réunis, ils vaudront beaucoup mieux. » Il était réservé à la troisième République de montrer combien cette parole est demeurée juste à travers les temps. Le suffrage universel a recueilli des mains de ses fondateurs le présent gouvernement, et l’a conduit parmi des obstacles nombreux et redoutables jusqu’à l’âge de sa majorité. À trois reprises, la pression des hommes et des circonstances s’est exercée sur lui sans parvenir à le faire dévier ; ni en 1877, ni en 1889, ni en 1893, on n’a pu obtenir de lui la condamnation des républicains : il avait montré, en 1885, qu’il savait apprécier leurs fautes et n’y restait pas insensible ; mais pourquoi une révolution là où une indication suffisait ?

Pour expliquer leurs défaites successives, les opposants ont eu recours au facile reproche d’ingérence officielle ; l’ingérence s’est exercée, il est vrai, grâce à cette centralisation administrative qui donne au préfet, représentant du ministre, une autorité plus considérable que celle appartenant au ministre lui-même ; quand le préfet veut faire du zèle ou que ses propres opinions l’entraînent au delà des instructions qu’il a reçues, des armes se trouvent à sa portée dont il peut faire un usage abusif ; mais, pour éner-

  1. « Le suffrage universel est l’honneur des multitudes, la vie légale pour tous, avait dit Jules Ferry en 1863 ; c’est en lui qu’il faut désormais vivre, espérer et croire : même ennemi il faut l’aimer. On a dit des gouvernements qu’ils n’étaient pas des tentes pour le repos ; il faut penser de la liberté qu’elle n’est pas seulement un portique pour la victoire. » Jules Ferry, La lutte électorale en 1863.