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les idées et les mœurs.

taient ; mais les œuvres durables, échappées de leur plume, n’étaient point comprises d’un public essentiellement matérialiste dans ses tendances et borné dans ses aspirations. La littérature d’imagination triompha. Les âmes bourgeoises se complaisent, par contraste, au récit d’aventures qu’elles n’auraient pas l’audace d’affronter, et il n’y a rien de tel qu’un citoyen vertueux malgré lui pour apprécier les livres qui ne le sont point. La porte de l’immoralité fut ouverte par un poète d’une séduction rare dont l’influence a été, par la suite, immense et générale. Tout ce qui sait lire fut atteint. L’œuvre d’Alfred de Musset a servi de livre de chevet — on oserait presque dire de bréviaire — à toute une génération. Elle contient du poison pour tous les âges et toutes les natures, pour les simples et pour les raffinés, pour l’adolescence et pour l’âge mûr.

Sous le second Empire, la lutte cessa. L’opinion n’avait plus aucun souci du haut enseignement : « Elle se contentait des licenciés en droit et des docteurs en médecine qu’il fournissait… les besoins pratiques avaient satisfaction[1]. » Dans l’humide obscurité de leurs laboratoires en sous-sol, quelques savants préparaient l’avenir : on ne se moquait même pas d’eux. Des écrivains de génie cherchaient un éditeur ; les romanciers seuls en trouvaient. L’analyse maladive de l’amour physique infestait le roman ; la débauche et l’adultère servaient de thème à tous les récits. On n’absorbe pas impunément les substances vénéneuses. Les classes élevées se corrompirent rapidement. Le bien et le mal furent contraints de vivre dans une mé-

  1. L. Liard, Universités et facultés.