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la question sociale.

réjouir les adversaires et à chagriner les amis du socialisme. Il évoque, en effet, le souvenir d’une tentative avortée faite pour établir l’égalité des conditions parmi les hommes : et cette tentative est l’une des plus radicales qui aient jamais été osées. D’autres, moins célèbres, n’ont pas tourné plus heureusement. La société se repose sur ces échecs successifs. Elle ne croit pas au socialisme : elle le juge condamné par l’expérience aussi bien que par la raison et suit ses progrès avec beaucoup plus de curiosité que d’inquiétude. Bien fortes, d’ailleurs, devaient être les apparences pour avoir égaré Gambetta lui-même et l’avoir amené à nier l’existence de la question sociale. En se reportant à cette parole retentissante qui ne date que d’hier, on mesure le chemin parcouru et l’on se rend compte que l’opinion a été loin de prêter à l’évolution des idées sociales l’attention que comportait un mouvement si considérable.

Pour en bien suivre les différentes phases, il eût fallu, avant tout, se garder d’un rapprochement quelconque avec le passé, car rien, dans le passé, ne permet de conclure à la possibilité ou à l’impossibilité de l’organisation socialiste. Si le socialisme est impossible, c’est parce qu’il porte en soi le germe d’une incapacité majeure, parce qu’il est en opposition avec quelque grande loi sociologique encore inaperçue ; mais ce n’est pas parce que l’expérience des hommes s’est prononcée contre lui. Ses doctrines fondamentales n’ont été appliquées que localement et partiellement, alors qu’elles exigent, par leur nature même, l’universalité de temps et de lieu. On peut dire du socialisme qu’il sera universel ou qu’il ne sera pas. Les grandes