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Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/424

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la question sociale.

députés de 1840. Il suffit pourtant d’un coup d’œil pour apercevoir les progrès accomplis par les socialistes, progrès qui revêtent précisément ce caractère d’universalité sans lequel, disions-nous, le socialisme n’aurait ni sens ni portée[1]. En Allemagne, le parti socialiste qui, en 1871, obtenait 101,927 suffrages et 355,670 en 1874, en a réuni, en 1893, 1,800,000, et ses représentants au Reichstag ne sont pas moins de quarante-six. L’Angleterre, ce pays de l’individualisme, a vu les trades-unions adhérer aux programmes collectivistes des congrès de Belfast et de Norwich (1893) et 11 députés ouvriers entrer à Westminster. Le parlement belge compte 29 socialistes ; le folkething danois, 61 ; le Sénat fédéral des États-Unis, 22. En France, les candidats socialistes n’avaient encore en 1890 que 90,000 voix ; en 1893 ils en obtinrent 500,000 et 60 des leurs furent élus. « Après cent ans, l’ordre de choses sorti de 1789 a, en face de lui, des adversaires plus haineux et plus implacables que ne le furent il y a un siècle, pour la Révolution, les privilégiés que cette révolution dépossédait[2]. » Il est intéressant de se demander comment, en France particulièrement, on en est arrivé là

  1. Le socialisme apparaît comme un fruit naturel de la civilisation parvenue à un certain degré d’avancement. Il est identique pour toutes les nations du monde qui ont atteint ce degré et ne se manifeste d’une manière différente que chez les peuples qui ne l’ont pas atteint, la Russie, par exemple, et la Turquie ; d’autre part, il demeure supérieur aux constitutions politiques. Son plus puissant et redoutable adversaire, Bismarck, n’a pu le réduire ; la liberté dont il jouit en Angleterre ne lui est pas plus favorable que l’hostilité qu’on lui oppose en Allemagne.
  2. Recevant un reporter du Journal, M, Crispi lui faisait en 1892 cette déclaration mélancolique : « La bourgeoisie est fortement atteinte, elle paraît devoir durer beaucoup moins longtemps que la féodalité. Cela donne matière à de tristes réflexions, si l’on songe surtout que l’éducation du quatrième état n’est point faite. » (Le Temps, 26 décembre 1892.)