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la question sociale.

chez-vous à cette espèce de surexcitation qui vous empêche d’avoir une vision nette du but où vous courez ; résistez à cette sorte d’emballement qui vous entraîne aux pires excès, et comprenez enfin que ce n’est pas par des violences qui soulèvent une réprobation universelle que l’on prépare les révolutions, mais en prenant les cœurs, en s’emparant des esprits. Dites-vous bien, d’ailleurs, que le dernier des bourgeois, fût-il mort demain, les choses n’en seraient pas plus avancées, car vous auriez encore contre vous des milliers de travailleurs qu’il faudrait convertir à vos principes avant de pouvoir songer à les appliquer. »

« Prendre les cœurs et s’emparer des esprits », c’est là précisément ce que ne peuvent réaliser la politique ni la violence. Les socialistes avisés sentent parfaitement combien précieuse est pour cette tâche l’action « intellectuelle ». En même temps que les institutions démocratiques et aussi le service militaire développaient l’esprit d’égalité, le rapprochement de l’extrême misère et de la fortune exagérée a developpé l’esprit de pitié. La coexistence, dans la cité, de la richesse et de la pauvreté est un phénomène si universel et si ancien qu’on s’est habitué à le considérer comme un mal sans remède, et la haine du pauvre contre le riche n’est pas davantage propre au temps présent. Les articles du Père Peinard atteignent à peine, dans l’âpreté de leurs revendications, les poètes sibyllins[1]. À de cer-

  1. « Les riches, pour agrandir leurs domaines et se faire des serviteurs, pillent les misérables. Ah ! si la terre n’était pas fixée si loin du ciel, ils se seraient arrangés pour que la lumière ne fût pas également répartie pour tous. Le soleil, acheté à prix d’or, ne luirait plus que pour les riches, et Dieu aurait été contraint de faire un autre monde pour les pauvres (viii, 3). » M. Gaston Boissier (la Fin du paganisme) cite encore