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les premières années

Ce fut le pays qui se chargea de fournir quelques indications électorales susceptibles d’éclaircir cette obscure situation ; sa volonté présente se bornait à ceci : éviter toute révolution nouvelle. Comme les conservateurs ne lui donnaient, à cet égard, nulle sécurité, il nomma des républicains. Marseille envoya M. Lockroy, et le Rhône, M. Ranc. La Gironde, le Jura, la Nièvre, le Loir-et-Cher et la Haute-Vienne choisirent des républicains de nuance plus ou moins avancée. Mais l’événement le plus important fut l’élection de M. Barodet à Paris. Ancien maire de Lyon, M. Barodet était le candidat des « rouges », comme on disait alors ; il eût pour concurrent le ministre des affaires étrangères, M. de Rémusat, esprit fin et distingué, mais peu connu de la foule et méconnu des partis intransigeants. La rencontre de ces deux concurrents d’ordre si divers et, il faut bien le dire, de valeur si inégale, surexcita au plus haut point l’opinion publique. Le duel électoral de M. Jacques et du général Boulanger, le 27 janvier 1889, peut seul donner une idée de la fiévreuse intensité de la lutte[1].

M. Barodet fut élu, comme le général Boulanger devait l’être plus tard, par cette portion de la population parisienne dont les qualités et les défauts sont si étrangement combinés que jamais les étrangers n’ont pu la comprendre. Héroïque en temps de guerre, susceptible de marquer, pendant une crise, autant de calme qu’elle apporte, dans

  1. Les conservateurs ne voulurent pas voter pour le ministre des affaires étrangères de la République, ami personnel du chef de l’État. Ils improvisèrent au dernier moment la candidature du général Stoffel, sur laquelle se détournèrent 27,000 voix. M. Barodet fut élu par 180,000 voix ; son concurrent n’en réunit que 135,000.