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le 16 mai.

la mécanique moderne se glorifie, ne sont point son fait : c’est un gouvernement qui gagne son pain quotidien, mais à la sueur de son front[1]. » Du moins chacun sentait la nécessité de faire vivre ces institutions. « La constitution de 1875, écrivait Jules Favre[2], est loin d’être parfaite : son maintien scrupuleux n’en est pas moins une condition de salut. Ne pas souffrir qu’il y soit touché, n’y pas toucher soi-même sont deux règles de conduite corrélatives, puisées aux mêmes principes : la nécessité d’institutions stables et le devoir de les protéger par leur propre force contre toute atteinte. Lorsque ce grand et salutaire exemple aura été donné, nous aurons fait un pas de plus dans la voie où se tiennent debout les gouvernements libres. L’Angleterre nous y a depuis longtemps précédés ; elle y a trouvé le repos, l’honneur, la prospérité. Sachons imiter sa sagesse. »

Jamais pronostics fâcheux ne reçurent du temps et des circonstances un démenti plus absolu. On pouvait craindre des conflits entre le chef de l’État et le Parlement ; on le pouvait d’autant plus que M. Thiers avait — dans des circonstances très particulières, il est vrai — orienté dangereusement l’institution de la présidence. Le maréchal de Mac Mahon fut presque constitutionnel ; M. Grévy le fut tout à fait, et toute méfiance s’éteignit du côté de l’Élysée. Quant au conseil des ministres, il fut, par son instabilité même, l’ancre de salut du nouveau régime. Il y a, dans le tempérament français, une imperfection grave qui entraîne après soi tout un cortège de conséquences fâcheuses.

  1. Lettre au journal la Gironde, 10 juin 1876.
  2. Conférences et Mélanges.