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LES UNIVERSITÉS OUVRIÈRES


La question des Universités ouvrières est l’une des plus essentielles et des plus urgentes qui se posent à l’heure actuelle. Le projet que voici est basé sur des principes nouveaux ; ils s’attaque à l’ensemble de la question. Le lecteur reconnaîtra qu’aucune des conséquences de ces principes n’a été éludée. Il convient maintenant d’en discuter loyalement et avec le ferme désir d’abotir ; car l’heure presse…

OBJET GÉNÉRAL

Que cherche-t-on ? Une simple distraction intellectuelle, de l’apaisement social ou l’égalisation pédagogique ? Il y a ces trois aspects de l’entreprise et il n’y a qu’eux. Les Universités populaires fondées en France voici environ trente ans ne visaient à rien autre qu’à égayer l’existence du travailleur manuel auquel étaient présentés pêle-mêle : de la poésie, le compte-rendu du roman à la mode, des exposés sicentifiques isolés, une comédie et quelques auditions musicales. En Angleterre et aux États-Unis s’étaient créés, vers la même époque, des University settlements où se donnait un enseignement plus sérieux, plus suivi mais manifestement dominé par le désir d’atténuer sinon d’effacer les malentendus sociaux. Des gens riches, des représentants de « l’élite » venaient vivre quelques mois dans les quartiers pauvres de la cité pour s’initier à la mentalité des habitants et s’efforcer de la redresser, de la calmer, de la moraliser.

Nous croyons que la première de ces conceptions a toujours été vaine et que la seconde, si elle avait hier sa raison d’être, l’a perdue depuis les événements transformateurs de ses récentes années. Reste la troisième, celle qui ferait de l’Université ouvrière un instrument égalisateur de la culture permettant aux non-privilégiés non pas de rejoindre les privilégiés en brûlant leurs étapes, ce qui n’est pas immédiatement réalisable, mais de reconnaître l’ensemble du terrain parcouru par ceux-ci et de prendre par instants contact avec eux.

PRINCIPE FONDAMENTAL

Si tel est le but à atteindre, il en découle l’obligation de procéder par vues étendues, par plans panoramiques. Il s’agit, en effet, d’un réseau de routes rapides à tracer à travers de vastes espaces. En explorer des parcelles ne servirait de rien. Donc l’Université ouvrière doit éviter la spécialisation, le système des bifurcations, l’étude du détail. Son enseignement doit se tenir constamment sur les crêtes en face des grands horizons. L’égalisation de la culture ne se préparera jamais autrement.

PROGRAMME

Les étudiants d’une Université ouvrière (des adultes, ne l’oublions pas) n’ont pas seulement des connaissances à acquérir ; il leur faut développer en eux certaines facultés et se familiariser, en outre, avec ce qu’on pourrait