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mémoires olympiques

avérer. En 1903, à Saint-Louis-du-Missouri, devait se célébrer, par une exposition géante, le centenaire de la cession de la Louisiane par le premier consul Bonaparte à la République des États-Unis. Mais de même que, onze ans plus tôt, il avait fallu reculer à 1893 l’exposition par laquelle Chicago honorait, au nom de l’Amérique entière, le quatrième centenaire de sa découverte par Christophe Colomb, la manifestation de Saint-Louis ne serait pas prête à temps. Elle aurait donc lieu en 1904. Il eût paru naturel de s’en féliciter pour le succès des Jeux de Chicago auxquels cette circonstance amènerait un surcroît de spectateurs. Par malheur, une rivalité ancienne et jalouse existait entre les deux métropoles. Saint-Louis réclama les Jeux. Au besoin, la ville prétendit en organiser de son côté. Cette menace, d’abord dédaignée, prit de la force au cours de 1902. Un « mass meeting » se tint à Chicago pour protester contre tout transfert, mais quelque flottement se fit sentir parmi les organisateurs. Le président Harper écrivit qu’on s’en remettait à notre décision et qu’on « pousserait jusqu’au bout » si nous le désirions. Dans sa lettre perçait une certaine inquiétude. Je ne l’avais pas attendue pour correspondre avec le chef de l’État américain, mieux qualifié que quiconque pour bien apprécier la situation. Le 23 décembre 1902, ayant reçu les messages en majorité approbateurs de mes collègues (14 voix pour, 2 contre, 5 abstentions), je demandai officieusement l’arbitrage du président Roosevelt. Comme je m’y attendais, il se prononça en faveur du transfert. Les télégrammes se multiplièrent. Chicago s’inclina et M. David R. Francis, président de l’Exposition de Saint-Louis, nous câbla ses plus vifs remerciements. Quant à Sullivan,