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un empire latin ?

des termes qui font honneur à son esprit chevaleresque. Mais n’oublions pas non plus la proclamation par laquelle Napoléon iii, en quittant les Tuileries, déclara solennellement qu’il ferait l’Italie « libre jusqu’à l’Adriatique », n’oublions pas l’étrange façon dont se signèrent les préliminaires de Villafranca et la stupeur désolée qui se répandit à la nouvelle de cette libération incomplète ; n’oublions pas enfin la cession du comté de Nice et de la Savoie — et comprenons, sans pour cela y adhérer, qu’un point de vue différent du nôtre ait pu s’imposer au delà des Alpes et que la reconnaissance à notre égard s’y soit longtemps doublée de quelque rancune.

Les dernières traces de ce malentendu achèvent de s’effacer. L’Europe peut s’en réjouir car il recélait le germe d’un inutile et dangereux conflit. La France et l’Italie doivent s’en réjouir plus encore car elles ont besoin l’une de l’autre. En Europe et dans la Méditerranée, leurs intérêts politiques sont similaires et la géographie a lié étroitement leurs intérêts économiques.

Est-ce à dire qu’il faille poursuivre la réalisation d’une union plus intime et travailler, en attendant les États-Unis d’Europe, à l’établissement d’une Confédération latine ? Telle paraît être l’opinion d’un certain nombre de nos contemporains devant qui ces mots magiques semblent découvrir de radieuses perspectives de calme, de richesse et d’art.

Les États-Unis d’Europe constituent une chimère de si grandes dimensions que leur silhouette ne pourra jamais sortir de la brume des rêves. Dieu en soit loué ! car un pareil état de choses, s’il était réalisable, équivaudrait à la préparation fatale d’une épouvantable guerre, l’univers se trouvant séparé en deux fractions rivales, follement puissantes et vouées à la plus inévitable des luttes pour l’existence et la suprématie. La Triplice latine, elle, ne serait