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la visite

de lui l’allié du roi d’Italie, à condition que lui-même ait l’air d’oublier que Rome soit devenue la capitale de son allié : subtil compromis dont la durée surprendrait si l’histoire ne nous apprenait pas que les compromis les plus subtils ne sont pas les moins durables. Le souci marqué par le Saint-Siège d’éviter que François-Joseph ne franchisse le seuil interdit est fort compréhensible : c’est le corollaire symbolique de la protestation persistante que Léon xiii après Pie ix et Pie x après Léon xiii ont été, pour ainsi dire, tenus de formuler contre la conquête des États pontificaux et la suppression de leur pouvoir temporel. La question est de savoir quelle sorte de précédent créerait la visite de M. Loubet et jusqu’à quel point ce précédent placerait le pape dans l’obligation ultérieure de traiter de la même manière les autres chefs d’États catholiques.

Et d’abord, à quoi s’applique, dans cette formule, le terme catholique ? S’agit-il de la confession à laquelle appartient le chef d’État en personne ou de celle dont se réclament la majorité de ses sujets ou de ses administrés ? La réponse est aisée. Voici le roi de Saxe qui règne, lui catholique, sur un pays presque exclusivement protestant ; il ne saurait être reçu. Or, s’il régnait comme prince protestant sur une Saxe catholique, ce qui aurait très bien pu arriver, les portes lui seraient ouvertes. C’est donc bien la personne souveraine qui est en cause.

Maintenant, sous le rapport de la religion qu’il professe, peut-on assimiler un président de république à un souverain ? Avant son élection, il n’était qu’un simple particulier ; son mandat terminé, il le redeviendra. Le pays ignore ses antécédents familiaux ; sa femme l’accompagne et fait les honneurs de sa maison mais ni ses fils ni ses frères ni aucun des siens ne jouissent du moindre privilège. La notion de la neutralité du pouvoir civil le protège contre les indiscrétions, et cette notion se répand de plus en plus. Sous le maréchal de Mac-Mahon, l’opinion ne s’inquiétait guère de savoir quels offices avaient été célébrés dans la chapelle de l’Élysée ; aujourd’hui, elle ne s’informe même