Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE CERCLE DE FER


18 janvier 1904.

Voici bientôt quatorze ans que la souple et féconde intelligence de l’empereur Guillaume II s’emploie à réparer les lourdes et abondantes bévues du prince de Bismarck. Celui qui a proclamé que la force primait le droit et, de son plein gré, l’a montré à l’univers, aurait pu ajouter que la brutalité tient lieu de génie car il en a fourni, par son propre exemple, une preuve involontaire. Chaque jour qui s’écoule désormais rapetisse la figure du fameux chancelier, en atténue les reliefs, en pâlit les reflets. Il n’apparaît plus que comme l’outil solide et grossier d’une Idée qui, depuis un siècle, faisait lentement sa route à travers la nébuleuse germanique ; d’obscurs initiateurs lui avaient consacré tout l’effort de leur existence ; d’infatigables et puissants cerveaux en préparaient le triomphal achèvement ; le glaive qui, après l’échec de l’impérialisme pacifique de 1848, en était devenu l’instrument obligatoire, alla s’incarner en ce hobereau formidable dont les muscles pleins dissimulèrent longtemps la pensée vide.

L’homme avait à sa portée, pour agir, une armée sans pareille, l’armée prussienne, — un souverain modèle, Guillaume ier, — un adversaire affaibli, l’Autriche — et pour voisins, Alexandre de Russie qui se recueillait et Napoléon iii dont le regard rêvait au sein des illusions bleues.

Il agit : il fit Sadowa. Ce fut la seule minute de sa carrière où quelque profondeur politique parut inspirer