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L’ENTR’ACTE AUSTRALIEN


13 février 1904.

Il ne nous est pas du tout indifférent, à nous autres Français, que les Australiens perdent leur temps. Ils sont nos voisins et leur activité s’annonçait redoutable. Ce qui se dessinait aux Nouvelles-Hébrides et en Nouvelle-Calédonie présageait à l’Indo-Chine plus d’un souci à venir ; le prologue donnait un avant-goût de la pièce.

En somme, ils étaient, ces gens-là, de purs Anglo-Saxons jetés comme deux siècles plus tôt les passagers du Mayflower sur un continent lointain ; ils avaient en moins la lutte acharnée à soutenir contre une nature âpre et des peuplades énergiques ; ils avaient en plus la précieuse expérience de leurs aînés et la bienveillance d’une métropole assagie par la rébellion de sa fille aînée. Quelle apparence qu’ils pussent déserter les saines traditions, les robustes exemples que devait à tel point fortifier, à leurs yeux, la puissance actuelle des États-Unis ! Et comme l’on comprend le jeune orgueil qui gonflait leurs poitrines lorsque, voici une quinzaine d’années, ils songeaient, en admirant l’œuvre américaine, à la puissance future de l’Australie ! Un peu méprisants pour la vieille Europe qui d’ailleurs les ignorait de son mieux, c’est à travers le Pacifique qu’ils regardaient obstinément. En ce temps-là, sir Henry Parkes, le vieux leader, travaillait à édifier le gouvernement fédéral dans lequel on s’accordait à voir l’instrument certain de la prospérité prochaine, le parvis nécessaire des hautes destinées.