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l’hellénisme

sible — de voir la Grèce s’agrandir et s’enrichir autant que faire se pourra ? Annexion de la Crète, extension de territoires en Macédoine, situation privilégiée à Constantinople, ce sont là, n’est-il pas vrai, les revendications qui se dissimulent sous la rubrique d’hellénisme ? Et si ces revendications reposent pour une part sur des droits incontestables, ne heurtent-elles point d’autres droits également certains et qu’il faut respecter ?

Non, ce n’est là qu’un aspect de la question. L’hellénisme constitue quelque chose de plus. C’est une formule d’humanité et l’une des plus harmonieuses, des mieux proportionnées, des plus parfaites qui aient été inventées. L’Église, la cité, l’intérêt personnel, voilà le grand trépied sur lequel, qu’on le veuille ou non, reposent les sociétés — et les sociétés modernes comme les anciennes. Or l’aplomb s’établit difficilement parce que le sol n’est pas uni et que le trépied est inégal. Tantôt la tyrannie du moi nuit à la collectivité, tantôt celle-ci opprime l’individu. Tantôt le culte est envahissant et tantôt sans action. Tantôt la production de la richesse se trouve paralysée par une hypertrophie du patriotisme et tantôt sa fonction est dévoyée par une exagération du sentiment religieux. Surtout le dosage de l’idéal et du réel s’opère mal ; leurs exigences n’arrivent point à se concilier. Au lieu qu’ils s’entr’aident et collaborent à la même œuvre, il leur advient de se contrarier jusqu’à s’annihiler. Voyez l’Allemagne d’aujourd’hui, les États-Unis, l’Italie, la Hongrie, la France surtout, notre France qui, par tant de côtés, ressemble à l’Hellade ! Partout la formule humaine apparaît embarrassée, inquiète, mobile. En Grèce pourtant elle s’affirme robuste, éclairée, durable. C’est là, n’en doutez pas, ce qui a soutenu les Grecs à travers des angoisses prodigieuses et leur a permis d’entrevoir l’aurore dont ils n’avaient jamais désespéré.

Nous ignorons profondément l’Église grecque. Elle n’est ni une servante ni une associée de l’Église russe. Elle possède une autonomie philosophique complète. Sa particularité essentielle est d’opérer, à l’autel, la surnaturalisa-