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france et allemagne

circonstances lui interdisent d’envisager cette éventualité comme réalisable autrement qu’à lointaine échéance.

Seulement, courtoisie ne veut pas dire faiblesse ; ce ne serait pas le moment de confondre, comme tendent à le faire d’évangéliques politiciens très prompts à s’exercer à tendre la joue droite dès que la gauche a reçu une égratignure. En une seule fois, l’Allemagne a effacé tous nos torts en les dépassant. On aura beau ergoter sur le caractère des communications qui lui ont été faites, il sera impossible de relever dans les annales contemporaines d’un peuple civilisé un acte semblable à celui que vient d’accomplir le gouvernement impérial. Laisser toute une année passer sur un accord international conclu entre puissances directement intéressées dans une question, ne formuler aucune objection, donner même à entendre que cette question vous laisse indifférent, — et puis, brusquement, sans prévenir personne de vos intentions, aller débarquer sur le territoire qui a fait l’objet du traité, y prononcer — et sur quel ton ! — des paroles de défi en incitant les habitants de ce territoire à la résistance, c’est jeter bas tout l’édifice des habitudes protocolaires et marquer un véritable retour à des procédés oubliés, à des procédés de corsaires.

Le Maroc n’a rien à voir en tout ceci. Il faut du reste être bien ignorant des choses d’Afrique pour appeler les Marocains un peuple, le sultan un chef d’État, et le Maghzen un gouvernement. C’est en Europe que se joue la tragédie. L’Allemagne, isolée par les succès de notre diplomatie et que très imprudemment nous avons négligé de rassurer suffisamment sur nos intentions, se dresse en travers, non pas de notre route africaine mais de notre route européenne. Elle nous demande si c’est avec l’arrière-pensée d’intervenir quand éclateront les troubles de la succession d’Autriche, que nous avons travaillé à détacher l’Italie de la Triplice et à conquérir l’amitié de l’Angleterre. Il est naturel qu’elle