Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
l’afrique française

et florissant. Elles adressent au gouverneur général qui incarne à leurs yeux le pouvoir suprême, des offres continuelles de soumission. Du jour où ces offres seraient agréées, un terme serait mis au brigandage permanent et au désordre organique par lesquels s’est jusqu’ici révélée à elles la civilisation marocaine. Que parle-t-on de frontières ? En vérité le Maroc est bien loin de là… Nous en avons pourtant respecté la fiction avec des scrupules que d’autres peut-être n’auraient point eus. Mais si l’on nous empêche de remettre debout ce fantôme d’empire, on ne doit pas s’attendre à ce que nous continuions de monter à sa porte une garde coûteuse et stérile. Nous laisserons l’Afrique française exercer librement sa force d’attraction ; nous laisserons la contagion de son prestige grandissant se répandre à travers des régions qui n’ont de marocain que le nom. Aucune influence — germanique ou autre — ne résistera à ce procédé-là. Ce sera la vraie pénétration pacifique et commerciale. Non seulement nos dépenses, grandement atténuées, se trouveraient alors compensées par des profils immédiats mais les responsabilités, sériées et limitées, deviendraient sans danger, presque sans inconvénient.

Paradoxe singulier. La France sera libre de faire pénétrer la paix avec le commerce au sein du vieux Maroc le jour où elle cessera de le considérer comme un État, d’y voir autre chose qu’un agrégat de communautés avec lesquelles il est loisible de traiter séparément et qu’on peut organiser de proche en proche. L’Allemagne s’essayerait vainement à pareille tâche ; la base d’opération fait défaut. Il lui faudra toujours agir depuis le rivage ; l’intérieur lui est fermé et l’Afrique allemande, s’il y en a une, demeure inconnue des indigènes ; c’est une princesse lointaine.

Changeons donc carrément de tactique : laissons fonctionnaires et notables palabrer à Fez autour de leur impérial fantoche et agissons ailleurs, mais délibérément, avec cette audace modérée qui, de nos jours, s’affirme comme la meilleure recette humanitariste ; dans ce monde imparfait —