L’ESPAGNE ET SES FILLES
Mirabeau plaisantait déjà ceux qui, de son temps, annonçaient périodiquement l’irrémédiable décadence et la chute prochaine de l’Angleterre. Ce genre de prédictions est toujours en vogue : nombreuses sont les chutes et décadences promises à la curiosité contemporaine. Il y a d’abord cette même Angleterre qui met vraiment bien du temps à tomber ; mais cela ne décourage pas les prophètes. Il y a aussi l’Italie qui, dès qu’elle se fut unifiée, se vit condamnée à la ruine, au morcellement et à toutes sortes d’autres calamités ; ce qui ne l’empêche pas de se porter assez bien. Il y a surtout l’Espagne vouée, depuis l’avènement d’Alphonse XII, à une sanglante et inévitable révolution.
Alphonse XII a régné ; il est mort. Sa veuve est devenue régente ; la régence a duré, elle a pris fin. Alphonse XIII règne. Trente ans bientôt — près d’un tiers de siècle — ont passé sur cette monarchie qui n’avait à vivre que l’espace d’un matin, et rien n’annonce encore la catastrophe. Inutile de rappeler, n’est-ce pas, tout ce qui s’est produit dans l’intervalle ? Le régime qui a survécu à la perte de Cuba et des Philippines n’est tout de même pas un château de cartes.
Mais le fût-il et dût-il s’écrouler demain… Après ?… Est-ce que le roi du Portugal et le sultan du Maroc se partageraient avec la République française le sol de la Péninsule ?… L’indépendance espagnole est à l’abri de par