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victoires dédaignées

sont des souvenirs de défaite et d’invasion ; mais si le canon de Sedan prolonge jusqu’à elle son écho sinistre, la clarté doit survivre aussi des illuminations qui saluèrent la prise de Fou-Tchéou, celles d’Abomey et de Tananarive.

Gardons-nous de diminuer la portée de ces combats sous prétexte qu’ils furent livrés à des armées barbares. Fou-Tchéou rappelle la seule guerre qu’une grande puissance occidentale ait osé mener à elle seule contre l’énorme Chine alors redoutable et, lorsque nos troupes pénétrèrent à Tananarive, consacrant définitivement une annexion proclamée par Louis XIV, acceptée par la Convention et l’Empire et maintenue par les traités de 1815, ce ne furent pas seulement la royauté hova mais aussi les ambitions britanniques qu’elles mirent en déroute.

Gardons-nous également d’en diminuer la portée par un sentiment de fausse et maladroite modestie. Le succès aide à vaincre sur tous les terrains et dans toutes les occasions. Il apporte avec lui des renforts de courage, de volonté et d’endurance. Ce n’est pas en se lamentant perpétuellement sur les échecs d’antan qu’on se prépare à les réparer, c’est en s’entraînant à rétablir la fortune ébranlée et en se donnant à soi-même la preuve que ses infidélités sont passagères. Un peu de fierté, morbleu, en face de résultats si tangibles ! Il semble que nous ne soyons plus capables d’en éprouver qu’à regarder s’entasser à la devanture des libraires les productions indéfinies de notre raffinement littéraire et de notre scientifisme passionné. Jetons donc un coup d’œil sur la carte du monde pour nous apercevoir enfin à quel point l’ont transformée nos victoires dédaignées.