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le balancier britannique

parmi les plus robustes et les mieux agencées qu’ait connues l’univers.

Il y a pourtant quelque chose de changé — de momentanément changé — en Angleterre, mais ce quelque chose ne répond pas aux idées de liberté ou de conservation. Les Anglais qui avaient traversé une longue crise d’impérialisme subissent un accès normal d’insularisme. Quand cet accès sera passé, ils retourneront à l’impérialisme et sans doute nos enfants les verront-ils s’insulariser encore une fois. Comment en serait-il autrement ? Ce n’est pas la volonté des hommes qui a établi le balancier britannique, c’est la toute-puissance des faits. Aucun Josué n’en saurait actuellement arrêter le mouvement.

L’impérialisme est une chose coûteuse et lassante. Et, après tout, le père qui a mis au monde de nombreux enfants et les a conduits au seuil de l’âge viril éprouve aussi quelque fatigue et quelque velléité d’égoïsme. Il ne cesse pas d’aimer ses fils et de s’intéresser à leurs succès. Il leur viendra en aide à l’occasion mais trouve bon qu’ils se débrouillent de leur côté et que chacun d’eux se fasse sa propre vie à sa guise. Supposez pourtant que l’aîné, devenu très riche et occupant une situation sociale prépondérante, se pose en chef de famille et qu’usurpant sans méchanceté et comme par la force des choses les prérogatives paternelles, il tende à grouper ses frères sous son influence. Le père aussitôt, renonçant à son repos, fera le nécessaire pour reprendre au milieu des siens la place à laquelle lui donnent droit son titre et son âge.

Le voilà, dès lors, en présence d’un pesant dilemme. Tantôt la tâche lui semblera trop vaste et il sera tenté de revenir à sa précédente conception d’une existence individuelle agréable et facile, tantôt le sentiment de son autorité nécessaire le galvanisera et il voudra employer toutes ses