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le prestige français

grandes nations ont tiré le profit le plus large ; leurs récents progrès sont dus à l’adoption et à la pratique persévérante des théories conçues et mises en action par le génie maladroit de l’empereur des Français.

Ainsi, dans tous ses établissements successifs, notre politique a constamment inspiré et guidé les peuples étrangers, jusqu’au jour où elle s’est cristallisée en une formule que ceux-ci n’ont point adoptée. On dira sans doute que l’humanité n’a guère de tendances à se modeler sur le vaincu et qu’au lendemain d’une défaite aussi terrible que celle de 1870, nos institutions manquaient de force pour s’imposer à nos voisins. Mais, d’autre part, on considérait, en ce temps-là, la forme républicaine comme l’aboutissement fatal de l’évolution démocratique et beaucoup, même parmi ses vainqueurs et à plus forte raison parmi les neutres, estimaient que l’exemple de la France serait un jour suivi par le Vieux Monde tout entier, ce qui d’ailleurs le mettrait davantage en harmonie avec le Nouveau. Cet état d’esprit a duré longtemps et il explique l’intérêt sympathique et passionné avec lequel l’opinion universelle a suivi les débuts du régime républicain en France. Les choses cependant ont tourné d’une façon différente. Il faut être bien peu au courant de ce qui se passe hors de nos frontières pour ne pas voir que la République, en tant que dogme, a perdu la plupart de ses fidèles. Une forme nouvelle de monarchie est née qui répond mieux aux ambitions modernes ; les vieilles dynasties, en y adhérant, y ont puisé un renouveau de vigueur et de souplesse. À la fois chef d’armée et chef d’industrie, le souverain d’aujourd’hui voit ses sujets revenir à lui et lui restituer une large part des droits qu’ils avaient enlevés à ses prédécesseurs et des initiatives qu’ils avaient confisquées au profit des mandataires élus par eux. Ils réclament de lui, par contre, un dur labeur et une vigilance de tous les instants, et le payent de ses soucis en popularité et en stabilité. Les trônes ne sont plus à la merci du moindre orage. L’orage, le plus souvent, venait de Paris. On a cessé