Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
notre épopée lointaine

de défricher ces nouvelles possessions de la Couronne et y échoua ; de Gourgues, ce vaillant et pittoresque gentilhomme de Mont-de-Marsan qui, jugeant le roi de France trop préoccupé par les guerres de religion pour venger ses sujets caroliniens massacrés par les Espagnols, partit de Bordeaux le 2 août 1567 avec deux cents compagnons, ravagea la Floride, y tua quatre cents ennemis et s’en revint satisfait.

La troupe des « Canadiens » parut ensuite, conduite par Champlain, le fondateur de Québec, et par Montcalm, son héroïque défenseur. Le régiment de Carignan entourait son drapeau déchiqueté et noirci. Aux habits brodés des gouverneurs, aux brillants uniformes des colonels se mêlaient les nobles haillons des explorateurs de l’Ohio, du Wisconsin et de l’Arkansas, Louis Joliet, le P. Marquette, et surtout Cavelier de La Salle qui accomplit, au milieu de périls sans nombre, la descente du Mississipi et donna la Louisiane à Louis XIV. On voyait, mêlés aux chefs dont les noms ont survécu, les ouvriers modestes et anonymes qui combattirent ou peinèrent pour construire la Nouvelle-France : trappeurs audacieux qui servaient d’éclaireurs et préparaient les voies près des tribus peaux-rouges, soldats infatigables qui tenaient garnison dans les fortins en troncs d’arbre perdus au milieu des forêts cruelles, missionnaires au zèle ardent qui en répandant la parole du Christ s’attachaient à faire aimer le nom de la patrie.

Après les Canadiens vinrent ceux de l’Inde française, glorieux vaincus de la politique plutôt que de la guerre, victimes des cabales honteuses et des calculs imbéciles : Dupleix qui faillit jeter sur les épaules du roi de France le manteau impérial que porte Édouard VII ; La Bourdonnais, Latouche, Lally-Tollendal ; puis ce bailli de Suffren qui, à la veille de la Révolution, obstiné à cueillir les lauriers hindous, sut vaincre à Madras et reprendre Pondichéry, et encore ce généreux Raymond dont l’intelligence et l’énergie maintinrent jusqu’en 1798 l’influence française à Hyderabad.