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le rêve de la grèce

je ne sais quelle perfection supra-terrestre ; il tendait à exalter la nature humaine dans toute la splendeur de ses imperfections : il faisait à la lutte et à l’intérêt leur place légitime et nécessaire à côté de l’amour du beau et de la recherche du bien.

C’est pourquoi il faut à la Grèce ressuscitée une armée robuste, un commerce prospère ; mais il lui faut également une pensée active. Il serait grand temps d’y songer. Eh ! direz-vous, dépend-il de la volonté de l’homme de faire surgir des Plutarques et des Platons, des Eschyles et des Démosthènes ? Est-il permis de s’indigner qu’un génie national longtemps captif ait perdu l’habitude des hautes visées, des larges envolées ? Peut-on s’étonner qu’il ne trouve plus les purs accents par lesquels s’expriment les sentiments éternels ?… Non certes, nul n’a le droit de s’indigner ou de s’étonner qu’il en soit ainsi, — mais, à l’ombre de ces murailles sans pareilles, sous l’égide de ces noms uniques, la jeunesse universelle pourrait être conviée à venir poursuivre et achever le cycle des études supérieures, comme en une oasis de sagesse et de beauté. Et c’est là le rêve réalisable auquel doit désormais s’abandonner l’âme hellène plutôt que de poursuivre l’autre rêve, le byzantin, celui que coupent de douloureux sursauts et qui risquerait de s’achever en un sombre cauchemar ou de se terminer par une réalité brutale.

Pensez à ces universités transatlantiques que le patriotisme d’un millionnaire transforme en foyers de haute culture et vers lesquelles le fondateur achemine, à coup de banknotes, les professeurs les plus illustres et les étudiants les plus méritants ; pensez à ces bibliothèques peuplées de volumes innombrables, à ces laboratoires pourvus d’instruments perfectionnés, à ces palais, à ces amphithéâtres que les meilleurs architectes sont conviés à élever sur le sol de la jeune Amérique pour en faire le temple de la vie