Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’INCERTITUDE MAGYARE


2 juillet 1903.

La grande difficulté que l’on éprouve à juger des choses de la Hongrie, c’est qu’on risque également de se tromper en les regardant d’ensemble ou en se penchant sur elles. Vues de haut, elles ont de la ligne et de la couleur. Le tableau qu’elles forment est clair, simple, d’une belle ordonnance ; l’esprit satisfait l’accepte et s’y repose. Mais cette sécurité s’évanouit dès que s’est révélé un de ces détails troublants qui jaillissent bientôt en assez grand nombre pour changer le paysage harmonieux en une mosaïque incohérente.

Au milieu de cet empire de François-Joseph aux reliefs mal ordonnés, aux contours ébréchés, aux divisions artificielles et multiples, l’atlas nous fait voir un grand pays compact formé de plaines copieusement arrosées et cerclées de montagnes, — quelque chose comme une gigantesque esplanade bien approvisionnée et bien défendue, ne craignant ni les sièges ni les surprises. Il semble que ce doive être là le robuste noyau de la puissance impériale, la région mère où loger la capitale, où centraliser les ressources matérielles et morales. L’aspect historique répond à l’aspect géographique ; une même impression d’unité s’en dégage. Depuis les jours lointains où les Magyars d’Arpad se fixèrent sur la pusta, où le roi Étienne les initia au christianisme, où André II leur donna cette fameuse « Bulle d’or » qui, codifiée en 1231 par la Diète, devint la