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l’entente cordiale

mais nous le faisons de manière exquise. Pour incomplète qu’elle soit, cette conception du rôle de la France dans le monde n’en est pas moins assez exacte et suffisamment flatteuse ; c’est elle qui nous vaut d’être appréciés par des voisins que tourmentent perpétuellement les vagues aspirations du ruskinianisme.

Ces sentiments, toutefois, s’ils se manifestent en paroles amicales, se traduisent malaisément en actes parce que, sur le terrain pratique, les intérêts des deux pays s’opposent fréquemment et que leurs ambitions se heurtent. Aussi, entre eux, n’a-t-il jamais été question d’alliance ; dès qu’un rapprochement se dessine, on voit reparaître une vieille formule d’une aimable imprécision, sorte de pont de bateaux jeté sur la Manche, qui se monte et se démonte tour à tour et dont les matériaux, en ce dernier cas, attendent sur le rivage l’heure d’être utilisés de nouveau.

Ils servirent principalement sous Louis-Philippe. Si vous demandez à la plupart des Français leur opinion sur l’entente cordiale qui exista, en ce temps-là, entre les cabinets de Londres et de Paris, ils vous répondront sans nul doute que ce fut une duperie. Et ils n’auront pas tout à fait tort, sans avoir complètement raison. L’entente cordiale d’alors fut favorable aux intérêts de la monarchie de Juillet ; reste à savoir jusqu’à quel point ces intérêts se confondaient avec ceux du pays.

La révolution de 1830 porta un coup terrible à notre politique extérieure : il en fut de la puissance française comme d’une rente qui s’effondre inopinément ; chute fictive, mais dont l’impression est longue à s’effacer et dont les résultats se neutralisent lentement. L’opinion européenne, en effet, ne s’était pas attardée à considérer si Charles x avait raison de suivre les processions un cierge à la main ou de se faire oindre avec le saint-chrême dans la cathédrale de Reims. Elle tenait ces détails pour secondaires ; ils l’étaient certes, car soixante-quinze ans ont passé depuis lors et François-Joseph continue de suivre les processions tandis que récemment Édouard vii s’est fait sacrer avec