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que le pays le plus directement intéressé conserve sa liberté d’action.

Ce même été de 1899, je devais parcourir une bonne partie de l’Europe continentale en vue du grand travail sur « l’avenir de l’Europe » que j’avais accepté de rédiger pour le journal l’Indépendance Belge. M. Mérillon, par une lettre en date du 1er juin, m’avait demandé de profiter de cette tournée « pour recueillir tous les renseignements qui paraîtraient utiles à nos organisations au point de vue des participations internationales ». Prague, Berlin, Copenhague, Stockholm et la Russie formaient un itinéraire que les circonstances d’ailleurs m’empêchèrent de suivre jusqu’au bout. Je recueillis pourtant la promesse de concours des Suédois, de la bouche même du prince royal, aujourd’hui le roi Gustave v. Dans une réunion tenue au Tattersall de Stockholm, les représentants des divers sports me remirent leurs desiderata à destination de Paris. La réunion organisée à Berlin fut moins heureuse. Elle était nombreuse. Le D. Gebhardt et l’aimable conseiller Richter, commissaire général d’Allemagne à l’Exposition de Paris, y avaient mis tous leurs soins. Par malheur le prince Aribert d’Anhalt qui présidait ne sut pas ou ne voulut pas réprimer les sentiments anti-français exprimés avec la plus naïve grossièreté par quelques-uns des assistants et, naturellement, il en résulta un froid qu’il ne m’appartenait pas de dissiper. Le lunch qui suivit s’en ressentit. L’incident était d’autant plus malencontreux que personnellement j’avais toujours été un partisan déclaré de la participation des gymnastes allemands aux fêtes internationales données en France. Il est vrai que je n’avais pas été autorisé à formuler cette fois une invitation en règle. En 1896, me rendant à Athènes, j’avais fait une visite, avant de quitter Paris à M. Berthelot alors ministre des Affaires Étrangères dans le cabinet Bourgeois et je lui avais posé la question : les Allemands pouvaient-ils à son sens être exclus des concours de gymnastique qui auraient lieu à Paris en 1900 ? « Jamais de la vie ! » m’avait répondu énergiquement M. Berthelot. « Pourquoi accepterait-on les produits de leurs industries et refuserait-on d’applaudir leurs gymnastes ? » C’était exactement mon avis. Seulement M. Berthelot n’était pas d’accord sur ce point avec le président Félix Faure et finalement ce fut l’opinion contraire qui prévalut puisque la fête fédérale de 1900 ne fut que partiellement internationalisée. Mais cette décision ne devait intervenir qu’à la dernière heure. En 1899 rien n’était encore réglé.