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dont l’inutilité apparaîtra à tous les regards quand le triage aura été opéré.

Ce triage préalable, l’Association pour la Réforme de l’Enseignement s’applique à le réaliser. Que ces vues dont je viens de résumer l’essence et que j’avais timidement exposées dès 1901 aient rallié les hommes éminents dont se compose ladite Association, voilà qui suffit à me donner pleine confiance et à fortifier définitivement mes convictions en l’utilité de l’œuvre entreprise. Œuvre très lente, très minutieuse, œuvre de fourmis silencieuses et infatigables. Car ce programme de l’enseignement analytique, il ne suffit pas d’en énoncer le principe ; il faut le rédiger. Et ce que cette rédaction suppose d’émondages et d’additions, on n’en a pas idée. Quoiqu’il en soit, la besogne est commencée et sera résolument poursuivie.




Après la « gymnastique utilitaire » formule d’éducation physique et l’« analyse universelle » formule d’éducation mentale, je m’excuse d’avoir encore quelque chose à proposer concernant l’éducation morale. J’ai l’air vraiment de chercher systématiquement des formules pour tous les aspects de la pédagogie et d’apporter à cet effort le besoin de logique et de symétrie qui nuit tellement à l’esprit français — si par ailleurs il l’embellit — en le jetant hors des chemins que le bon sens trace vers les solutions opportunistes, les meilleures socialement et les plus durables. Mais non ! Rien de pareil ne m’a incité. Si j’ai travaillé à solutionner l’un après l’autre ces trois problèmes, c’est qu’ils m’apparaissaient insolutionnés et pressés de l’être. Il importe énormément à la civilisation présente de remettre de la force dans les muscles, de l’ordre et de la clarté dans les esprits. Mais elle devra également, sous peine de déchoir définitivement, remettre de la tolérance dans les consciences. Cette triple besogne, l’éducateur seul peut y pourvoir ; non pas celui du jeune enfant encore inaccessible sous ce rapport mais l’éducateur de l’adolescent et du jeune homme, ces sculpteurs de l’heure prochaine.

La formule que je me permettrai de proposer plus tard pour l’éducation morale tient en ces deux mots : respect mutuel. Et pour se respecter il faut se connaître. L’ignorance où le catholique se tient à l’égard du protestant n’a d’égale que celle dont ce dernier est pénétré à l’endroit de l’orthodoxe. Nul ne s’inquiète de savoir ce que pensent un baptiste, un méthodiste, un musulman éclairé