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directeur de l’Enseignement secondaire. M. Georges Morel, aujourd’hui inspecteur général de l’Instruction publique, se rappelle probablement le jour lointain où je vins le trouver sans introduction ni titres spéciaux à sa bienveillance ; il en fut grandement surpris et la requête que je lui présentai lui parut étrange. Mais, après une conversation qui apparemment le convainquit de mes honnêtes intentions, il m’octroya séance tenante la lettre circulaire qui allait m’ouvrir tous les lycées de France. Et ce fut alors au tour des proviseurs de s’étonner. Ils n’avaient jamais vu, je crois bien, un enquêteur de ma sorte. Je confesse que ce rôle ne m’amusait pas beaucoup ; je le remplissais avec timidité ; cette timidité et une sage prudence m’engageaient en général à taire mes projets. Si j’en parlai, ce ne fut, je crois bien, qu’à M. Morlet, alors directeur de Sainte-Barbe-des-Champs, aujourd’hui proviseur du lycée Michelet et dont le nom reviendra sous ma plume et à M. Godart, directeur de l’École Monge et membre du Conseil supérieur de l’Instruction publique. Celui-là, toujours à l’affût du progrès, songeait justement à quelque innovation du côté du bois de Boulogne. Jusqu’alors, le souci de l’instruction mentale l’avait accaparé et c’est vers l’Allemagne qu’il s’était tourné. Une association fondée par lui et présidée par M. Levasseur, en vue de la « recherche et de la propagation des meilleures méthodes d’éducation », avait négligé, elle aussi, de pousser ses enquêtes du côté de l’Angleterre ; partant, l’importance de la culture musculaire en tant que facteur de perfectionnement moral, lui échappait. Nul ne songeait, à l’École Monge, à provoquer la fondation d’associations de jeux mais on y entretenait une préoccupation permanente des choses de l’hygiène. Or l’hygiène incitait à procurer aux jeunes poumons un cube d’air aussi considérable que possible et à ce que cet air fût le plus pur possible. M. Godart chercha donc à s’entendre avec la direction du Jardin d’Acclimatation de sorte que ses élèves, transportés au Pré-Catelan dans les omnibus de l’école, y pussent prendre quotidiennement leur principale récréation. M. Godart connaissait mal la pédagogie britannique mais, dès qu’elle lui fut exposée, il en saisit avec son habituelle lucidité la portée considérable ; ardent et enthousiaste, il fut aussitôt préparé à en tenter l’application.

À l’École Alsacienne, je trouvai d’abord quelque répugnance à s’associer à un mouvement réformateur. L’École Alsacienne avait été la première pourtant, comme je le dirai tout à l’heure, à posséder une association athlétique régulière. Les jeux continuaient