Page:Coubertin A travers l histoire sud américaine, 1916.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
à travers l’histoire sud-américaine

130 000 ouvriers au travail : chiffres fabuleux pour l’époque. Cela ne dura guère. Sous Philippe iii le nombre des métiers était tombé à 400 et comme on se cramponnait au mauvais principe du monopole, il fallait acheter à la France, aux Pays-Bas, à l’Angleterre, à l’Italie ce qu’on voulait revendre aux Américains.

L’échec de pareilles tentatives était fait pour rendre plus âpre que jamais la poursuite des richesses directement extraites du sol du nouveau monde. Aux mines exploitées par les Incas et dont l’exploitation avait été poursuivie par les Espagnols, s’ajoutaient celles qu’on avait récemment découvertes. Dans ces mines, qui travaillerait ? Toute la question gisait là. L’Indien pas plus que l’Espagnol n’aimait le travail manuel et surtout un travail aussi dur. On voulut l’y contraindre ; il y périt. Dès 1505, on commença d’introduire des esclaves noirs importés d’Afrique sans pour cela renoncer à employer de force la main-d’œuvre indigène.

Cet état de choses empira de deux façons ; d’abord par la surabondance du personnel ecclésiastique. Les Indiens étaient aisés à convertir ; il n’y aurait pas eu besoin de beaucoup de convertisseurs ; il en vint indéfiniment. En 1644, six mille ecclésiastiques sans bénéfices formaient une sorte de prolétariat clérical. En 1649 on comptait 38 archevêques et évêques et 840 couvents pourvus de grandes richesses. Le bas clergé, dépravé, oppresseur des Indiens, échappait au haut clergé, généralement respectable mais intolérant et assoupi tout à la fois. Une seconde cause de déchéance provenait de l’aristocratie ploutocrate qui s’était rapidement formée. En effet, malgré ses efforts pour drainer à elle les ressources de son vaste domaine transatlantique, l’Espagne n’y parvenait que de façon relative. On a calculé que, dans la seconde partie du dix-huitième siècle, les mines du nouveau monde produisaient annuellement environ 180 millions de livres ; le roi n’en touchait que le cin-