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LES ASSISES DE LA CITÉ PROCHAINE


terez que la plupart sont malaisés à appliquer par l’État, aisés par la Cité. En tête figure la distinction essentielle entre l’éducation physique, l’éducation sportive et la compétition. De la première rien à dire ici. Elle est pour tout le monde et relève du domaine scolaire. La seconde n’est organisée nulle part sinon sur le papier dans quelques localités de bon vouloir. C’est celle-là que vise le « droit au sport » et c’est à son intention que l’U.P.U., creusant le sujet, a rédigé son projet de rétablissement du gymnase antique, bien entendu modernisé au gré du jour, c’est-à-dire d’un établissement où tout adulte pourra pratiquer selon son caprice, à l’heure et dans la mesure qui lui agréeront, le sport ou les exercices spéciaux préparatoires au sport de son choix. Un tel établissement coûtera cher, très cher… Non, pas tellement. Et puis, au besoin, il y aurait à portée le grand remède que tout à l’heure je vous indiquais, l’intermittence, la « session » libératrice de tant de difficultés matérielles et propre à tant alléger les budgets. Pourra-t-on l’appliquer ici ? Pourra-t-on faire des sessions d’éducation sportive, d’entretien sportif ?… Et pourquoi non ? Ce serait en même temps instituer une cure de sport d’une si haute valeur thérapeutique et d’un emploi encore si peu fréquent. Mais dans les villes le pouvant, la permanence du gymnase s’impose évidemment. Bien des moyens existent d’ailleurs de l’établir sur des bases économiques. L’enseignement mutuel ne serait pas à écarter… Ce qui importe surtout, ce sera de la préserver du double péril que représentera pour lui le voisinage, sur ses confins, de l’École et de la Société sportive. L’une et l’autre en y pénétrant le feraient aussitôt dévier de son objet et neutraliseraient son action principale. Il doit demeurer le domaine aussi exclusif que possible de l’adulte envisagé isolément ; et celui-ci doit s’y sentir préservé à la fois du contrôle et du concours. Ni l’éducation physique ne remplira sa mission à l’École sans l’aide de la discipline et du contrôle ni la société sportive ne demeurera vivante et prospère sans concours et sans records. Mais le gymnase à son tour ne jouera son rôle que si ceux qui le fréquentent sont soustraits à l’action de l’un et de l’autre élément.

Un des abus inquiétants actuellement en matière sportive, c’est la multiplicité des championnats. Sans doute l’appauvrissement général y remédiera mais par le mauvais bout si j’ose dire. D’autre part, la compétition est nécessaire au maintien de la sportivité. Le sport sans elle s’affaiblirait, l’instinct sportif s’étiolerait et se fanerait comme une plante en laquelle la sève ne monte plus. Les Jeux Olympiques, au sommet, pourvoient à cette nécessité. Ce qui nous alarme, c’est dans l’intervalle des Jeux, cette continuité d’allées et venues d’équipes en balades lointaines : perte de temps, gaspillage d’argent et aussi formation d’un état d’esprit flottant, sans racines qui n’est pas très fameux pour la jeunesse parce qu’il la détache du travail quotidien. Et bien, Messieurs, là encore le municipalisme nous apporte du secours. C’est entre les cités et non entre les nations que devrait s’organiser la compétition sportive ordinaire, celle qui entretiendra l’activité sportive sans trop détendre le travail. C’est de ville à ville, de collège à collège, de région à région que les challenges ont leur plus grande raison d’être sans qu’il faille franchir à tout moment les frontières et multiplier par là ces spectacles internationaux, ces appels à la foule, ce battage qui ne sont bons ni pour les spectateurs ni surtout pour les acteurs. Encore une fois, les Jeux Olympiques suffisent. Leur action quadriennale suffit…


iii


Si le « droit au sport » a renforcé le projet déjà déposé devant l’opinion d’une restauration devenue nécessaire du gymnase antique, le « droit d’accès à la culture générale » nous ramène vers une institution jadis mal comprise, mal lancée et dont l’éclipse va prendre fin : c’est l’université populaire. Elle succomba il y a environ trente-cinq ans sous le fantaisisme naïf auquel s’étaient abandonnés ses initiateurs. Que voulaient-ils ? Ils ne savaient pas au juste. Distraire simplement. En fait, ils ahurissaient des auditoires composites mis sans méthode et sans suite en contact avec