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nialement conçu par son créateur ; mais, cette fois, il ne s’agirait plus d’un milieu scolaire sélectionné, il s’agirait d’opérer sur l’ensemble social. Cela se peut-il ?

Rentrons maintenant dans le gymnase grec et observons le sous cet angle. Nous y constatons le principe d’une triple coopération dont l’importance peut-être nous avait d’abord échappé. C’est en premier lieu, une coopération d’objets ; le sport, l’hygiène, la science, l’art se trouvent mêlés les uns aux autres. C’est, en second lieu, une coopération d’âge ; trois générations sont présentes : l’adolescent, l’adulte, le vieillard. Et c’est, en troisième lieu, une coopération professionnelle ; le praticien et le théoricien, l’homme de science et l’homme de lettres, l’homme politique et l’homme privé, le syndiqué et l’indépendant se coudoient en une sorte de bienfaisante promiscuité. Comment ne sortirait-il pas de là des éléments de compréhension, de rapprochement, d’apaisement ? Conceptions, intérêts, passions ne diffèrent pas tellement du jeune homme à l’homme âgé, de l’artiste ou du philosophe à l’athlète qu’ils ne puissent se donner la main. Lorsqu’ils s’ignorent, c’est qu’on les a tenus séparés, qu’on les a empêchés de se connaître et de s’apprécier. N’oublions pas toutefois de noter un point essentiel : ce n’est pas autour de l’idée du Bien public que peuvent se nouer toutes ces coopérations, c’est autour de la « Joie des muscles ». Telle est la grande leçon du gymnase grec. Chercher à le reconstituer sur d’autres bases serait verser à nouveau dans une utopie qui ne compte plus ses échecs. Le sport y était maître de maison ; il y recevait l’Esprit et s’inclinait devant lui comme devant un invité de mar-