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société d’économie sociale (séance du 18 avril 1887).

La parole est donnée à M. Pierre de Coubertin sur l’Éducation anglaise.

M. Pierre de Coubertin. — Mesdames, Messieurs. En abordant le sujet de cette conférence mon premier devoir est de délimiter, dans un champ si vaste, l’espace que je me propose d’étudier spécialement. En effet ce n’est pas suffisant de borner à la seule Angleterre mes investigations. En Angleterre comme ailleurs l’éducation revêt différentes formes ; elle est primaire ou secondaire, privée ou publique, générale ou professionnelle. Il est vrai que ces distinctions ont en ce pays une moindre importance que chez nous par exemple : il y a des principes généraux, des tendances identiques qui percent dans la manière dont n’importe quel Anglais, riche ou pauvre, élève ses enfants, c’est ce qui fait que le terme d’éducation anglaise, tout vague qu’il puisse paraître, a cependant un sens déterminé et répond à un système bien défini.

C’est de l’éducation publique générale et secondaire que je veux ce soir vous entretenir. Mais je ne pousserai pas plus loin la classification et n’adopterai pas la quadruple division donnée par Mgr Dupanloup : éducation religieuse, intellectuelle, disciplinaire, physique. Rien n’est plus contraire à l’esprit de l’éducation anglaise : la religion y tient une grande place, mais une place à part ; la discipline s’y entend de certaines règles d’ordre intérieur, voilà tout. Ce que l’éminent évêque d’Orléans trouve si nécessaire dans les collèges français, les Anglais l’écartent comme dangereux et contre nature. Ils repoussent cette réglementation de tous les instants qui n’exige que la pratique de l’obéissance — une vertu dont, en tant que vertu, ils ne m’ont jamais paru faire grand cas ni même comprendre la nature. Ils écartent notamment la discipline préventive que leurs instincts se refusent presque absolument à admettre dans le gouvernement aussi bien que dans les collèges.

Quant au développement physique, non seulement il occupe dans leur système une place extrêmement importante, mais il réagit sur tout l’ensemble et remplit un rôle moral très efficace. Une dernière observation préliminaire : les collèges dont je vais exposer le plan d’éducation et du détail desquels je donnerai en passant un aperçu sont les public schools : Harrow — Rugby — Eton — Winchester, etc. Il y a ensuite une catégorie d’écoles catholiques dont l’organisation est assez sensiblement différente. Il y a enfin les petites écoles — les boîtes comme nous dirions — dans lesquelles un ou deux professeurs, toujours installés à la campagne, réunissent une quinzaine ou davantage de jeunes enfants dont les parents se trouvent obligés de se séparer avant qu’ils aient l’âge d’entrer dans les public schools.