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société d’économie sociale (séance du 18 avril 1887).

prenons — je ne sais pourquoi — moins de souci que nos voisins.

Voilà donc l’enfant dans un public school. Qu’y vient-il chercher ? Thomas Arnold va nous le dire. Ce grand homme qui mourut en 1842 head-master de l’école de Rugby à la tête de laquelle il était resté pendant 14 années, peut être considéré comme le père de l’éducation anglaise actuelle. Il a le premier adopté et appliqué les principes qui en sont la base. Au recueil de sa correspondance j’emprunte les citations suivantes qui en disent plus long que n’importe quels développements : « Je veux, disait-il, former des Christian Gentlemen ; mon but est d’apprendre aux enfants à se gouverner eux-même, ce qui est bien meilleur que de les gouverner bien moi-même ». Parole profonde, digne d’être méditée par ceux qui veulent gouverner les collèges en autocrates, avec une main de fer. Le Dupanloup de l’Angleterre leur rappelle qu’ils se trompent sur le caractère de leur mission qui n’est pas de former des esclaves, mais des maîtres ! des maîtres souverains qui, bien plus tôt que la loi ne le reconnaît, se trouvent libres d’user et d’abuser de ce qui leur est soumis. Espérer leur soustraire cette souveraineté et le tenter, c’est dangereux. L’homme doit être ici-bas isolé, se sentir seul avec lui-même, connaître sa puissance et le plus tôt possible être mis en présence de la responsabilité lourde qui est le contrepoids de tout pouvoir.

Ainsi pensait Arnold. Un jour que des troubles avaient nécessité le renvoi de plusieurs élèves et jeté le mécontentement dans les rangs, devant toute l’école il prononça ces paroles demeurées célèbres et qui sont tout un programme : « Il n’est pas nécessaire qu’il y ait ici 300, 100 ni même 50 élèves ; mais il est nécessaire qu’il n’y ait que des Christian Gentlemen » Ce passage a trait à une erreur de l’opinion publique alors répandue en Angleterre comme elle l’est aujourd’hui en France : on considérait les collèges comme des institutions destinées à corriger les mauvaises natures, détestable conception qui ne peut faire d’un collège qu’une maison de correction et par conséquent un foyer de pourriture pour les enfants honnêtes qui s’y trouvent. Ce sentiment était si général qu’à moins de fautes capitales les parents reconnaissaient à leurs enfants une sorte de droit à ne pas être chassés de l’école. Telle n’était pas la manière de voir de Thomas Arnold qui a écrit quelque part « que le premier, le second et le troisième devoir de tout directeur d’école était de se débarrasser (Get rid) des natures stériles ». Ses expressions sont dignes de remarque : ce n’est pas chasser, c’est se débarrasser, et l’adjectif unpromising ne restreint pas l’application de cette mesure à ceux qui se sont rendus coupables en quelque chose, mais à tous ceux qui ne profitent pas de leur séjour à l’école, parce que s’ils n’en profitent pas ils empêcheront aussi les