ligion, même la plus matérielle, ne comptait pas des spiritualistes — comme si toute religion, même la plus mystique, ne comptait pas des adorateurs d’idoles, ne fut-ce que de l’éternel veau d’or aujourd’hui plus puissant et plus encensé que jamais. Mais il existe un paganisme — le vrai — dont l’humanité ne se débarrassera jamais et dont — j’oserai ce blasphème apparent — il ne serait pas bon qu’elle pût se libérer complètement : celui-là c’est le culte de l’être humain, du corps humain, esprit et chair, sensibilité et volonté, instinct et conscience. Tantôt l’emportent la chair, la sensibilité et l’instinct, tantôt l’esprit, la volonté et la conscience car ce sont là les deux despotes qui se disputent en nous la primauté et dont le conflit souvent nous déchire cruellement. Il faut arriver à l’équilibre. On y parvient mais on ne s’y tient pas. Le pendule ne passe par le juste milieu qu’à mi-chemin des deux points extrêmes entre lesquels il oscille. De même, l’humanité — individu ou société — ne parvient pas à se tenir longtemps à mi-route dans sa course d’un excès à l’autre. Et quand on tend à restaurer l’équilibre soit individuel, soit collectif, bien souvent il n’y a pas d’autre façon d’y procéder que de viser à l’excès contraire. Combien ont pratiqué inconsciemment cette recette pour s’améliorer ou pour simplement se transformer !
Ce fut la gloire immortelle de l’Hellénisme de concevoir la codification de la poursuite de l’équilibre et d’en faire une recette de grandeur sociale. Nous sommes ici — à Olympie — sur les ruines de la première capitale du royaume d’eurythmie, car l’eurythmie, ne relève pas seulement du domaine de l’art ; il y a aussi une eurythmie de la vie.
Donc nous sommes à méditer parmi les ruines d’Olympie, ruines toujours vivantes comme le suggère la cérémonie que je rappelais tout à l’heure. Et de là, nous percevons ces alternances païennes et ascétiques qui constituent une sorte de trame de l’histoire, trame négligée des historiens parce que pour l’apercevoir, il faut la chercher sous les événements qui la recouvrent et se montrer en l’espèce plus archéologue qu’historien.
Continuons, si vous le voulez bien, notre méditation tandis que la gloire du jour remplace les caresses de l’aube sur le paysage dont j’ai tenté d’évoquer avec de faibles mots, le charme infini. Des troupeaux à clochettes, des bergers d’Arcadie circulent sur les chemins ; ils n’ont rien de florianesque mais sont très antiques ; et là bas une petite fumée qui monte fait songer aux actions de grâces d’un vainqueur récent ou à l’imploration d’un éphèbe anxieux d’une victoire future.
Olympie vécut officiellement onze cent soixante huit ans puisque la première olympiade enregistrée date de l’an 776 avant J.C. et que les Jeux furent supprimés par un édit de l’empereur Théose en 392 (devant un auditoire comme celui-ci, je n’aurais pas besoin de rappeler qu’une olympiade est un intervalle du calendrier, intervalle de quatre années dont on célèbre l’ouverture par des jeux. Ce principe a été restauré intégralement. Le monument inauguré en 1927 à Olympie indique que la première Olympiade de l’ère moderne a été célébrée en 1896 à Athènes. Les Jeux d’Amsterdam en 1928 furent ceux de la IXe Olympiade, comme en 1932, ceux de Los Angeles seront les Jeux de la Xe Olympiade, puisque fidèle aux indications de mon temps, j’ai voulu, en restaurant l’institution dans son esprit antique, lui donner la forme mondiale qui répond aux aspirations et aux besoins du présent. Il est donc incorrect historiquement et grammaticalement de faire du mot olympiade l’équivalent de Jeux olympiques et quand on dit,