que ce joug humiliait. Pourtant, pour l’époque, on doit reconnaître que les Lausannois vivaient relativement libres et heureux. Leur ville était d’ailleurs souvent visitée par de grands personnages qui y semaient de beaux deniers. C’est ainsi que le 20 octobre 1275 le pape Grégoire x dédia la cathédrale reconstruite en présence de Rodolphe de Habsbourg, qui y fut consacré empereur, et de trente-sept archevêques et évêques qu’accompagnaient un beau cortège de nobles et d’abbés. Autre période joyeuse, deux siècles plus tard, lorsqu’après la bataille de Grandson, le duc de Bourgogne vint établir son camp près de la ville où séjournait la duchesse Yolande de Savoie. Deux mois durant, princes et diplomates affluèrent. L’évêque d’alors n’était autre que le futur Jules ii.
« Cité » et « ville » étaient toujours séparées malgré l’enceinte commune. Un petit coup d’État municipal les souda l’une à l’autre (1481) et tout aussitôt, s’autorisant de diverses faveurs obtenues des empereurs, les bourgeois réclamèrent le titre et les privilèges de ville impériale et arborèrent l’aigle à deux têtes ! Le crépuscule du pouvoir ecclésiastique commençait.
Du reste, pour être restés si longtemps sous la juridiction de la mitre et de la crosse, les Lausannois n’en étaient point devenus sages. On les représente comme très fêtards et de mœurs relâchées. Ils aimaient les nopces et les festins. Recrutés parmi la jeunesse riche du pays, les chanoines eux-mêmes se montraient volontiers festoyeurs et batailleurs et l’on comprend le désespoir du pauvre saint Boniface qui, neuf ans évêque de Lausanne, s’en éloigna en la comparant à Babylone.
Une diplomatie avisée aurait pu tirer grand profit du voisinage de la Savoie et de Berne avec, entre elles, cette pomme de discorde qu’était Genève. Lausanne, en opposant les unes aux autres des ambitions jalouses se fût grandie à leurs dépens. Mais elle se jeta dans la gueule du loup en signant (1525) une déplorable alliance avec Berne et Fribourg. C’était le temps où les gentilshommes vaudois de tendances savoyardes s’unissaient en « chevaliers de la cuiller » ainsi nommés parce que, levant leurs cuillers, ils se juraient d’« avaler » Genève. Ce fut Lausanne qu’on avala. Cinq ans plus tard, sous prétexte de