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à colleter celle qui la surpasse, et la colleter en l’écrivain qui surpasse ses compagnons[1] ».

Malherbe et ses amis connaissaient trop la poésie latine pour ne pas se souvenir souvent du classique dont on apprenait les vers par cœur : quand Balzac et d’autres viennent, après la mort tragique de son fils, l’engager à accepter le dédommagement offert par les meurtriers, ils se souviennent du vieil Évandre, et appellent l’offre faite

solatia luctus
Exigua ingentis, misero sed debita patri
[2].

Malherbe lui-même cite ou adapte des vers de l’Énéide et des Églogues dans ses lettres à Peiresc et à Colomby, et dans son commentaire sur Desportes[3] ; il reconnaît un vers de Virgile que Sénèque citait sans indiquer l’auteur[4], et il a souvent l’occasion, comme nous l’avons vu, de mettre, au cours de sa traduction, des vers latins en vers français. Il n’admirait pas sans réserve le grand poète latin, il ne lui donnait même pas la première

  1. Mlle De Gournay, Dédicace au roi des Versions de Virgile (1619), cf. Ch. Urbain, Nicolas Coeffeteau, p. 263, et G. Grente, Jean Bertaut, p. 269 sqq. — C’est encore pour lire Virgile que Catherine de Vivonne eut un moment l’idée d’apprendre le latin (voy. G. Lanson, Littérature française et littérature espagnole au XVIIe siècle, dans la Revue d’histoire littéraire de la France, 1896, p. 49).
  2. Virg., Énéide, XI, 63. Balzac, Entretien XXXII.
  3. Malh., II, 112, 484, IV, 77, 377, 468. Une sentence de Virgile se trouve même adaptée (Malh., III, 34) de façon à faire, comme dira un Malherbe policé,
    Au latin dans les mots braver l’honnêteté.
  4. Malh., II, 241. Sénèque, De Benef., VII, 23.