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roi ou la reine, il se souvenait, sinon des bergers de Virgile, du moins de leurs paroles, et il promettait d’après le poète d’Auguste la félicité à son prince. L’Églogue IV surtout, dans laquelle on révérait l’annonce d’une rénovation du monde, a été pour lui une réserve précieuse d’éloges fleuris et de promesses hyperboliques. Quand il dédie les Larmes de Saint-Pierre à Henri III, il applique à celui-ci l’antithèse que l’Églogue appliquait au

nascenti puero, quo ferrea primum
Desinet ac toto surget gens aurea mundo
[1] :

Henri, de qui les yeux et l’image sacrée
Font un visage d’or à cette âge ferrée[2].

Il applique surtout les souvenirs de l’Églogue quand il doit annoncer un brillant avenir. Déjà Ronsard et Régnier, comme le chantre de Marcellus, et comme d’ailleurs tous les anciens qui ont décrit l’âge d’or, promettaient à leurs rois que « les chênes durs sueraient la liqueur rousse du miel épais[3] ». Malherbe promet à ses maîtres non seulement la conquête de Memphis, du Gange, et d’autres encore, mais aussi les miracles virgiliens : sous la reine mère on verra

sans l’usage des charrues
Nos plaines jaunir de moissons[4].

C’est plus même que n’en disait Ronsard[5], et ce n’est

  1. Égl. IV, v. 8 et 9.
  2. Malh., I, 5.
  3. Ronsard (éd. Blanchemain), t. IV, p. 79. Régnier, Satire I, v. 27-30. Virg., Égl. IV, v. 30 : Et durae quercus sudabunt roscida mella. De même Ov., Met., I, 112.
  4. Malh., I. 215. cf. Virg., Égl. IV, 28 et Ov., Met., I, 110.
  5. « Le froment jaunira par leurs blondes campagnes. » (Rons., IV, 25.)