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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/114

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passent sur un fond d’épopée[1] » reflètent peut-être discrètement et avec bonheur le décor enchanté de la fameuse Églogue.

Si le poète politique, en Malherbe, a toujours une certaine grandeur et utilise avec succès les souvenirs classiques, il n’en est pas de même du poète amoureux ou élégiaque. Dans ce dernier rôle, il est aussi gauche qu’un berger qui aurait une cuirasse sous sa houppelande, et il. ne voit les fleurs que comme elles sont décrites dans les livres anciens. Déjà dans les Larmes sur la mort de Geneviève Rouxel, il parlait de

la pourprée fleur
Qui prend du sang d’Adon le suc et la couleur[2],

et quand il se fait l’entremetteur de Henri IV dans ses stances pour Alcandre, il reprend encore

Les herbes dont les feuilles peintes
Gardent les sanglantes empreintes
De la fin funeste des rois[3],

puis il exprime la douleur d’Alcandre selon la formule classique :

Et ce que je supporte avecque patience,
Ai-je quelque ennemi, s’il n’est pas sans conscience,
Qui le vît sans pleurer[4] ?

  1. Brunot, l. c., p. 54.
  2. Gasté, La jeunesse de Malh., p. 45.
  3. Malh., I, 151 : cf. inscripti nomina regum flores dans les vers 106 de l’Églogue III de Virgile, dont Malherbe cite le vers 103 dans son commentaire sur Desportes (IV, 468) : « Si quelqu’un me démêle ceci, erit mihi magnus Apollo. »
  4. Quis talia fando
    Myrmidonum Dolopumve aut duri miles Ulyssi
    Temperet a lacrymis ?

    (Énéide, II, 6-8).