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écrivant à Balzac : « Vous dites que vous lui ressemblez, mais à qui le persuaderez-vous ?

Peut-être à quelque Juif, mais non pas à Malherbe[1] ».

Il met Malherbe à la place d’Horace : et c’est là sa grande habileté : de même que la raison de Sénèque est devenue la raison du gentilhomme normand, de même Lycé deviendra à un certain moment la Caliste de Malherbe, les tours des rois seront le Louvre ; et les cabanes des pauvres, la chaumière des paysans français, en attendant que Rufillus et autres deviennent l’abbé Cotin, Saint-Amand et Faret. Alors que Desportes paraphrasait très longuement, avec mièvrerie, Audivere Lyce…[2], Malherbe ne prend qu’un trait d’Horace, et, parlant en termes généraux, il ne met que quatre vers pour le rendre :

Voici venir le temps que je vous avois dit,
Vos yeux, pauvre Calisto, ont perdu leur crédit,
Et leur piteux état aujourd’hui me fait honte
D’en avoir tenu compte[3].

De même il se souvient du Linquenda tellus… et placens uxor en deux vers où il dit, comme les poètes du temps, « nos amours », terme dont on reprochera encore la « fade galanterie » à Racine :

Et de toutes douleurs la douleur la plus grande,
C’est qu’il faut laisser nos amours[4].

Mais il emprunte à Horace des expressions et des pensées plus graves. Le poète latin avait écrit à Quinctius :

  1. Malh., IV, 95.
  2. Desportes, p. 446.
  3. Malh., I, 318.
  4. I, 58. (Aux ombres de Damon).