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la Pléiade a le mieux connu, le mieux senti, le plus aimé[1] », est celui que Malherbe a imité avec le plus de succès. Mais, si le consolateur de Du Périer a trouvé parfois le secret des adaptations permises à propos de ces réflexions philosophiques qui sont l’essence même de sa poésie, il lui arrive, comme à ses prédécesseurs du XVIe siècle, de demander encore trop à Horace : et tout ce décor de mythologie qu’il lui emprunte paraît même plus artificiel que chez Ronsard, qui du moins se faisait l’esprit antique d’un bout à l’autre. L’erreur de Malherbe sera d’ailleurs en partie celle de Boileau, dans un autre ordre d’idées : Boileau fera des satires morales à l’imitation d’Horace, oubliant que la satire doit être inspirée par les événements du présent, et qu’il aurait fallu avoir autant d’indignation contre les vices français que contre les mauvais livres. Tous les imitateurs sont un peu les mêmes : et qu’ils empruntent ou l’art et la « douceur » d’Horace, ou sa raison, ou son goût de critique, ils regardent trop longtemps leur modèle, ou font trop d’efforts pour lui ressembler. C’est à Horace que la poésie moyenne devait le plus ressembler en France ; les élèves du spirituel poète sont les premiers en date à qui Boileau accorde les grands éloges, et avec autant d’admiration que Musset en aura pour Mathurin Régnier — autre disciple d’Horace — La Fontaine salue en Malherbe et en Racan

Ces deux rivaux d’Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d’Apollon, nos maîtres pour mieux dire[2].

  1. Chamard, Joachim du Bellay, p. 59.
  2. La Fontaine, Fables, liv. III, f. XI.