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mot[1] », ou encore « un sonnet qui est d’un Italien, et du Séraphin, à son avis[2] », une « pédanterie » ou un mauvais vers de Bembo[3]. Voilà bien des injures, et ce ne sont pas les seules : « il estimoit fort peu les Italiens, et disoit que tous les sonnets de Pétrarque étoient à la grecque[4] ». Tout cela n’empêche que dans ses vers amoureux il a pétrarquisé jusqu’à la fin de ses jours presque autant, quoique autrement, que Scève, par exemple, ou Ronsard. Comme d’autres avaient eu leur Délie, leur Olive, leur Cassandre, leur Diane, comme, surtout, les poètes du XVIIe siècle ont leurs « Iris en l’air », Malherbe a sa Rodanthe, qui est Madame de Rambouillet[5] ; il avait, beaucoup plus tôt, songé à avoir sa Nérée (Renée) : il a eu surtout sa Caliste (la vicomtesse d’Auchy). Dans les vers composés pour ces « merveilles des belles », et dans tous ceux qu’il écrit sur commande pour quelque duc ou comte ou roi — il n’avait pas de scrupules en cette matière — il reprend les hyperboles, métaphores, prosopopées, allégories dont riait du Bellay quand il avait « désappris l’art de pétrarquiser ». La belle reste toujours, comme Laure,

à nulle autre pareille,
Seule semblable à soi[6].

  1. IV, 321.
  2. IV, 435 et n. 1. Malherbe se trompe, ce sonnet n’est pas du Séraphin ; ce dernier auteur, du reste, avait eu en France une certaine influence (voyez Vianey, L’influence italienne chez les précurseurs de la Pléade, dans le Bulletin italien, Bordeaux 1903, t. III, pp. 85-117).
  3. IV, 270, 429.
  4. Racan, l. c., p. LXX. Voy. au chapitre des Grecs.
  5. Voy. Racan, ibid., p. lxxxvi-lxxxviii.
  6. Malh., I, 158 ; cf. Pétrarque (Sonnet CIX, v. 4) :

    Che sol se stessa, e nulla altra simiglia.