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que tous les rimeurs d’aujourd’hui[1] ». Malherbe aurait pu répéter cet aveu, et même il l’a fait en ce qui concerne, du moins, l’Aminte du Tasse. Cette œuvre eut un succès unique non seulement en Italie, où encore aujourd’hui on la proclame « un prodige[2] », mais aussi en France : Boileau y trouvera à redire au point de vue moral — il était beaucoup plus sévère sous ce rapport que son précurseur — ; mais, jusqu’à l’apparition des traductions de Gessner, « l’Aminte du Tasse et les Amours de Daphnis et Chloé restent les seuls ouvrages que notre goût dédaigneux, prévenu contre les Muses pastorales, excepte de ses proscriptions[3] ». Malherbe, si dédaigneux, a aussi excepté l’Aminte de ses proscriptions, et il l’admire avec le beau monde qui se réunit chez la marquise de Rambouillet : « J’ai souvent, dit Ménage, entendu raconter par cette grande dame,

Quel gran lume romano
Che quanto ’l miro piu, tanto piu luce
[4],


que notre Malherbe, aussi grand poète que fameux connoisseur, ne cessoit d’admirer l’Aminte ; il aurait donné tout au monde pour en être l’auteur[5] ». Il n’y a

  1. Voyez Rigal, Alexandre Hardy, p. 505.
  2. Giosuè Carducci, Su l’Aminta di T. Tasso (Florence 1896).
  3. Berquin, Idylles, Préface de la 3e  éd. (1775). Berquin vante aussi « la délicieuse aménité » du Tasse.
  4. Ces vers que Ménage applique à Madame de Rambouillet, sont ceux dans lesquels Pétrarque désigne Varron (Trionfo della fama, c. III, v. 39).
  5. Mescolanze d’Egidio Menagio, cité par Rathery, Influence de l’Italie, p. 117. V. aussi Tallemant des Réaux, Historiettes (3e  éd., de Monmerqué et P. Paris), t. I, p. 276. Les éditions de l’Aminte suffisent à donner une idée de la vogue de cet ouvrage en France au commencement du XVIIe siècle : p. ex. Le Tasse,