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CHAPITRE PREMIER.

La Normandie[1].


Depuis que les divers dialectes ont cédé à celui de l’Île-de-France leur rôle littéraire, la centralisation de la littérature, comme de la société, n’a pas cessé de s’accentuer : Paris est devenu la France, pensant pour elle et parlant en son nom. Cela n’a pas empêché les provinces de garder dans une certaine mesure leurs caractères distinctifs, non seulement dans l’ordre économique — où l’on aime aujourd’hui à rechercher les souvenirs des nationalités provinciales — mais aussi dans le domaine de la pensée. À travers la littérature on peut suivre certaines tendances, certains états d’esprit qui ont trouvé, dans tel ou tel coin de France, leur patrie d’élection. Il y a un esprit parisien qui pétille déjà dans

  1. Ce chapitre a déjà été, en grande partie, publié dans la Zeitschrift für französische Sprache und Litteratur, t. XXVI. — Je ne puis évidemment déterminer ici de façon complète et définitive le type social littéraire de la région normande (ce qui serait sans doute prématuré) ; j’entends seulement montrer que Malherbe est bien de la province comme de son pays, comme de son temps. Il est vrai que les traits « normands » sont aussi bien « des traits humains, et des traits collectifs de classe et de condition », comme me l’a fait remarquer M. Lanson (Revue universitaire, 15 février 1904) ; beaucoup sont même des traits de l’esprit français, dont les qualités d’ordre, de précision, de clarté sont à la fois normandes et françaises, comme l’a dit Gaston Paris (La littérature normande avant l’annexion, 1896, discours prononcé à la Société des Antiquaires de Normandie). — Il m’a semblé toutefois que les caractères étudiés dans ce chapitre étaient plus fréquents en Normandie qu’ailleurs : ils sont généralement donnés comme tels par ceux qui ont parlé des Normands.