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sont fort éloignés du mysticisme. Fides quaerens intellectum est la formule de l’un d’eux au moyen-âge[1] ; au XVIe siècle des Normands obscurs en sont encore à faire « plaider[2] » la Vierge ou à lui faire « réfuter une disjonctive improbable[3] » ; et, quand le Normand Richard Simon s’appliquera à l’étude de la Bible, au XVIIe siècle, il sera le précurseur de l’exégèse moderne. Des hommes aussi pratiques et aussi judicieux sont donc mal préparés à « chanter et pleurer intérieurement aux sons de la harpe de David[4] ». Sans doute un prêtre poète comme Bertaut pourra rendre en vers souples et parfois attendris les psaumes dont il s’est nourri ; Corneille pourra, dans sa piété, mettre en belles strophes des textes édifiants ; mais les Normands restés frustes sont peu enclins au lyrisme religieux : parfois seulement une foi sincère ou la grandeur de la pensée élève la paraphrase à la haute poésie. Ils n’admettent pas non plus indifféremment tout dans l’antiquité profane. Ils goûtent peu les Grecs, du moins celui que le XVIe siècle avait tant admiré, c’est-à-dire Pindare. Malherbe ne voit que du « galimatias » dans le grand lyrique ; Fontenelle parlera de même du « galimatias philosophique » de Platon[5] ; et Flaubert

  1. Saint Anselme (cf. G. Paris, Litt. norm. avant l’annexion).
  2. Advocacie Notre-Dame, ou la Vierge Marie plaidant contre le diable, poème du XVIe siècle en langue franco-normande (éd. A. Chassant, 1855).
  3. Rondeau ou la Vierge réfute
    Une disjonctive improbable.

    (voy. éd. Mancel, et Malh., éd. Lalanne, I, p. CXVI.)
  4. Expression de Lamartine, Entretien avec le lecteur, VI, en tête des Recueillements poétiques.
  5. Fontenelle, Dialogues des morts anciens avec les modernes, dial. IV (Platon à Marguerite d’Écosse) : « Je couvrais ces matières-là d’un galimatias philosophique. »