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influence. Même après que les deux hommes n’écriront plus sur les mêmes événements, le poète se ressent encore des idées de l’autre : dans l’exorde de son discours de 1593 pour le maintien de la loi salique, Du Vair présageait que « la bonté de Dieu, touchée de la compassion de nos misères tendroit la main de sa clémence pour nous lever de cette chute ». Quand Henri IV a presque complètement triomphé, Malherbe commence ainsi sa « Prière pour le roi allant en Limousin » :

Ô Dieu dont les bontés de nos larmes touchées…[1]

Il garde donc le souvenir des pensées de son ami, et l’on s’explique que plus tard il ait collaboré, avec le jurisconsulte Bignon (que La Bruyère mentionne encore avec éloge), à l’édition posthume des œuvres de Du Vair[2]. Dans ces œuvres comme auparavant dans la conversation de l’auteur, il devait goûter les idées, qui leur avaient été chères à tous deux, de la philosophie néo-stoïcienne. Du Vair, en effet, avait écrit une Philosophie morale des Stoïques et une Traduction du manuel d’Épictète ; il avait souvent copié ou paraphrasé Sénèque,

  1. Malh., I, 69. Le pluriel bontés touchées n’est évidemment amené que par la rime et a du reste été critiqué par l’Académie. — Malherbe paraît moins heureux quand il invente lui-même le début de l’« Ode pour le roi allant châtier les Rochelois », qui commence par des métaphores incohérentes.
  2. V. les Lettres de Peiresc (éd. Tamizey de Larroque, Collection de documents inédits pour servir à l’histoire de France), t. VI, p. VI et P. 177. Sur l’importance des traductions de Du Vair, v. Ch. Urbain, Nicolas Coeffeteau (Paris, thèse, Thorin 1893), p. 263. Le P. Goulu (Lettres de Phyllarque, t. I, p. 332 à 334, cité par Urbain, o. c., p. 294) met encore au même rang « les écrits de ces hommes illustres, les évêques de Genève et de Marseille, de M. du Vair et même de M. de Malherbe ».