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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/74

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il cite la sentence, il envoie à son fils Marc-Antoine, avec un Lexicon grec, une Polyanthée récente et les Chiliades d’Érasme[1]. Les poésies d’alors, celles de Régnier, par exemple, sont pleines de maximes empruntées à de pareils recueils : et pour cette besogne il n’était pas plus nécessaire de comprendre l’art grec qu’aujourd’hui pour décomposer les mots de télégraphe et de téléphone. De plus, il n’est guère d’image ou d’idée grecque dont Malherbe n’ait pu trouver des adaptations latines : les « oiseaux de Caïstre[2] » sont dans les Géorgiques[3] comme chez Homère, et Malherbe a pris à Sénèque[4] bien plutôt qu’à Lucien l’idée de se « plaindre par coutume » plutôt que de se consoler par devoir. Lucien, d’ailleurs, si répandu au XVIe siècle, était bien fait pour plaire à Malherbe, et il se peut que celui-ci se souvienne des Dialogues en écrivant : « la Provence a son Timon aussi bien que la Grèce[5] ». Il serait invraisemblable aussi que le poète de Henri IV n’eût pas lu Plutarque, du moins dans Amyot : Plutarque en effet jouit d’une vogue immense à partir du XVIe siècle,

  1. III, 355. Il ne serait pas plus surprenant de le voir utiliser de telles sources que de le voir s’intéresser aux Centuries de Nostradamus (III, 121 et 531). Des adages relevés par Érasme se retrouvent chez les poètes ; cf. par ex. Chiliade 2, Centurie 5, adage 47, et Ronsard, éd. Blanchemain, VII, 308, et Régnier, Satire I, v. 79. — Voir aussi, à ce sujet L. Delaruelle, Ce que Rabelais doit à Érasme et à Budé, dans la Revue d’histoire littéraire de la France, avril-juin 1904.
  2. I, 209.
  3. Virg., Georg., I, 383 sqq.
  4. Épître XLIII, §2 (trad. Malh., II, 494 sqq.).
  5. IV, 131. Sur la diffusion des œuvres de Lucien au XVIe s., v. L. Clément, H. Estienne et son œuvre française, p. 91, n. 3.