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FABLES ORIGINALES

Broutait paisiblement. Un maître loup survient
Qui l’entretient
De ses vertus dont il fait étalage.
Il ne commet larcin ni brigandage.
C’est un vertueux loup,
Les pasteurs l’estiment beaucoup.
— Vous vivez comme moi d’herbe fraîche et d’eau pure ?
Demande au nouveau saint la douce créature.
— À peu près, répond-il, c’est bon pour la santé,
Mais la nécessité
Me contraint d’ajouter quelques os au régime.
— Des os ! vous tuez donc ? — Ah ! je suis la victime
D’un perfide destin,
M’obligearit d’étrangler lorsque je suis à jeïn,
Gibier cher à mon cœur pour assouvir ma faim.
— Vous me dévorerez ! s’écria frémissante
La pauvrette avec épouvante. —
Hélas ! c’était écrit ! le turc peut l’affirmer.
La brebis aurait dû bêler,
Se sauver,
Elle préféra composer.
— Ne m’assassinez pas, messire, je vous prie,
Et je vous donnerai troc pour troc contre vie
Brune toison — Après ? — Ma queue… Et quoi de plus ?
Une blanche patte en surplus.
Le loup accepte. Le loup croque,
Ce qu’à la naïve il escroque.
Le tout mangé, le drôle dit
Qu’il avait encore appétit.
Avant que la brebis débatte,
L’œil droit, l’œil gauche, l’autre patte,